Vicente Pradal a la réputation de servir l'œuvre de Federico García Lorca avec une passion et une justesse profondes. La sobriété avec laquelle il a su ciseler les précédents joyaux qu'il a mis en musique et en scène en a magistralement souligné la beauté. Aujourd'hui, à la demande de la Comédie Française, il poursuit son art et Yerma flamboie d'une couleur andalouse.
«Comment veux-tu que je te dise ? Tu n'as jamais tenu un oiseau vivant serré dans ta main? Eh bien, c'est pareil mais à l'intérieur du sang.» dit Yerma. Yerma est en proie à la douleur de ne pouvoir enfanter. Comme on crie famine, comme on meurt de soif au désert. Yerma de «yermo» qui signifie désert, terre aride et stérile. Yerma, la femme que ne peut irriguer la semence de son homme, refuse le silence. Yerma clame la malédiction de son sort et crie son infamie. Son chant est somptueux. Irréductible. Sa fureur est un hymne à la vie, à la naissance, à la mort. Oui, le drame de Yerma est tout entier d'Espagne, de cette Espagne rurale de l'entre deux-guerres, aussi frustrée que pulsionnelle. C'est celle que connut et dénonça Federico García Lorca où l'âpreté des carcans condamne parfois l'amour à la douleur et à la tragédie. Fils du peintre andalou Carlos Pradal et arrière petit-fils du maître d'école de Federico García Lorca, le guitariste flamenco Vicente Pradal connaît cette Espagne-là. Elle coule dans son sang, elle est enlacée dans les racines profondes de sa musique, elle prend vie dans la magie poétique de son théâtre.
Rencontre à l'issue de la représentation du mercredi 22 octobre Sujet : L'Espagne de Lorca