A l'été 2011, histoire d'expérimenter
concrètement les chemins mentaux de Jean-Jacques
Rousseau, l'auteur-metteur en scène Nicolas Kerszenbaum
reprend précisément les chemins alpestres arpentés par le philosophe deux
siècles et demi plus tôt. Durant trois semaines, il marche, armé
de son sac à dos, de son duvet, de sa tente, et de deux ouvrages du
philosophe, Les Confessions et Les Rêveries du Promeneur Solitaire. Tous
les jours, à 11h, 15h et 19h, il consigne par écrit ses observations
et ses impressions. Revenu à Paris, il en tire un texte théâtral. Parti de
Genève, Kerszenbaum passe par
Cruseilles, rejoint Annecy, traverse les
Bauges, longe la Maurienne jusqu'à Modane, passe en Vanoise
jusqu'à la frontière italienne, au Col du Mont-Cenis. De là, il
atteint Turin. Il séjourne enfin à Chambéry, autour des Charmettes
et du Lac du Bourget.
Extrait Rien n’était plus convenable à mon humeur,
ni plus propre à me rendre heureux, que l’état tranquille et obscur
d’un bon artisan. Si j'avais eu sa vie, j’aurais été bon chrétien, bon
citoyen, bon père de famille, bon ami, bon ouvrier, bon homme en
toute chose. J’aurais aimé mon état, je l’aurais honoré peut-être
; et, après avoir passé une vie obscure et simple, mais égale
et douce, je serais mort paisiblement dans le sein des miens.
Bientôt oublié sans doute, j’aurais été regretté du moins
aussi longtemps qu’on se serait souvenu de moi. Au lieu de
cela… Quel tableau vais-je faire ? Ah ! n’anticipons point
sur les misères de ma vie ; je ne vous occuperai que trop de
ce triste sujet. (JEAN-JACQUES ROUSSEAU. Les Confessions)