En 1969 et 1970, l’ethnologue Jeanne Favret-Saada
étudie pour le CNRS la sorcellerie dans le Bocage, en Mayenne. Elle
découvre que la magie y tue encore. Pourtant, des sorts, on ne lui dit
rien. Position dès lors intenable de l’ethnologue qui étudie une réalité
criante qu’on lui tait sans cesse. Pour son enquête, Jeanne Favret-Saada
va donc devoir, comme à la guerre, abandonner sa position de neutralité,
et s’impliquer dans la réalité sombre, effrayante, et potentiellement
mortelle, de la sorcellerie. Et devenir tour à tour, malgré elle, victime
de sorts, puis désorceleuse.
Extrait
VOIX OFF. (…) elle me dit vous avez bien raison de faire attention
ici, (…) c'est là qu'il est mort le mois dernier, ou la semaine dernière,
et j'étais terrifiée à l'idée que quelqu'un l'avait nommé et qu'il
était mort, (…) quand j'ai redémarré, j'étais glacée, et quand je l'ai
déposée à sa ferme, et pour rentrer chez moi j'ai dû mobiliser
de l'héroïsme, pour arriver à conduire et rentrer chez moi. Et c'est
dans ce genre de situations que je ne voulais plus en entendre parler
: toutes les fois où se vérifiait que bon, d'accord, nommer n'est pas
tuer, mais on nomme des gens et après ils meurent. Tu vois
? Et c'est là que tout le monde dérape dans la sorcellerie, parce que, les
paysans, ils sont comme moi, ils ne pensent pas que nommer ce
soit tuer, ils n'y croient pas plus qu'un ethnologue au départ, et
néanmoins ils voient les gens qui tombent comme des mouches, alors
ils se disent, c'est quelque chose.