Poète à ses heures, affabulateur précoce et conteur (im)précis selon l'humeur, humoriste puisqu'il faut l'étiqueter, le Québecois Fred Pellerin nous entraîne dans un monde fantastique. Outre quelques ouvrages aux titres aussi chatoyant que Bois du thé fort, tu vas pisser drette que vous saurez vous procurer si besoin s'en fait sentir, c'est la presque totalité de son encyclopédie qui vous est proposée là. Dans mon village, il y a Belle Lurette, Il faut prendre le taureau par les contes !, Comme une odeur de muscles et maintenant L'Arracheuse de temps, constituent déjà une anthologie de ce jeune homme au verbe peu ordinaire !
À l'entrée de Saint-Elie-de-Caxton, situé en Mauricie au Québec, un panneau routier avertit l'automobiliste du danger majeur de cette paisible contrée. Si l'on n'y prenait pas garde, les lutins et les fées manqueraient de s'écraser sur les pare-brises à la tombée du soir. Alors les villageois, bien évidemment, sont prudents, quoique passablement agacés. Les lutins s'amusent à tresser les crins des chevaux et pour l'un d'eux, « c'est comme la vermine car ils viennent dans [son] écurie plusieurs fois par semaine ».
Anecdotes, potins, légendes et rumeurs, les langues sont déliées et les imaginaires débridés dans ce clocher plein d'esprit. Fred Pellerin, petit-fils gâté, a grandi pendu aux lèvres d'une grand-mère « souffrant d'analphabétisme » mais pas de mutisme ! Bonimenteries farfelues et truculents racontars étaient son passe-temps favori, entre deux mijotées de petits plats.
Déformé en littérature à l'Université et auto-baptisé conteur agréable par mégarde, ce conteux aime à tricoter les mots autant pour ce qu'ils disent que pour ce qu'ils sont. Il visite avec une drôlerie sans faille des territoires linguistiques méconnus. Sa verve est authentiquement colorée et savoureuse : « moi je crois à une langue québecoise, un français qui explose dans la bouche pis qui goûte pas juste la feuille de grammaire ».