« Je t'écris en djudyo, Antonio, avant que ne s'éteigne complètement la langue de mes ancêtres, tu ne peux pas savoir, Antonio, ce que c'est que la mort d'une langue, c'est comme vivre seul dans le silence ». Ce sont les premiers mots de la lettre que Marcel
Cohen écrit en 1990 au grand peintre espagnol Antonio Saura. L'écrivain se souvient des années d'enfance baignées par la culture séfarade d'Europe Orientale et raconte les bonheurs d'une communauté aujourd'hui oubliée. Car les Juifs expulsés d'Espagne en 1492 vers les principales villes de l'Empire Ottoman, y ont été accueillis et intégrés mais ont conservé leur langue, le judéoespagnol - ou ladino - l'espagnol du XVème siècle, qui s'est enrichi de sonorités d'Orient. Qui sait que Thessalonique comptait plus de 50 000 Juifs avant la seconde Guerre Mondiale et que dans les villes d'Europe Orientale, de Belgrade à Sofia et Istanbul, on parle encore le ladino, l'une des langues les plus fragiles qui soient ? La lecture de la Lettre à Antonio Saura nous interroge aussi sur la destinée méconnue de la communauté des Juifs d'Orient, décimée par la Shoah, souvent occultée.
Myrto Procopiou, comédienne, est formée au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique. Elle est née à Athènes dans une famille grecque d'Alexandrie.
Marcel Cohen est écrivain. Ses derniers ouvrages parus, aux Editions Gallimard : Faits, Métro, Deux textes sans titre et huit photos.
Samis Taboh, ingénieur de formation, ferblantier par tradition familiale, peintre et traducteur par vocation, est l'un des derniers locuteurs natifs du ladino.
Lecture en français, grec, judéo-espagnol