Vienne ! Ses putains, ses maquereaux, sa jeunesse dépravée qui erre sous l'oeil strict d'Angelo et du Duc. Isabella est une religieuse novice qui demande à Angelo d'épargner son frère condamné à mort. Il consent à répondre à sa requête, si en échange, elle renonce à ses voeux. A la perversité d'Angelo s'oppose l'honneur d'Isabella. Jean-Yves Ruf retranscrit la souplesse d'écriture de Shakespeare en deux scènes tragi-comiques qui confondent pouvoir, sexe et religion.
Mesure pour mesure laisse tout voir, l'envers comme l'endroit du pouvoir, on peut être duc et moine à la fois, devenir celui que l'on n'est pas, faire l'amour avec celle que l'on avait répudiée et ne pas s'en apercevoir, perdre la tête (comprenez : être décapité) pour le plaisir. Pouvoir, désir, mort, autant d'ingrédients que l'on trouve souvent chez Shakespeare. Ici, Jean-Yves Ruf s'attache à mettre en scène une passion toute particulière : le désir de pureté. Angelo et Isabella croient s'en sortir en agissant au nom de cette idée de pureté et tout explose quand ils se trouvent subitement face à la complexité de la vie. Que faire du corps ? Que faire du corps désirant d'Angelo, du corps séduisant d'Isabella, du corps condamné de Claudio, son frère ? Angelo châtie au nom d'une radicalité religieuse qui ne souffre aucun compromis, Isabella laisserait mourir son frère pour sauver sa pureté. C'est cet étrange et dangereux désir de radicalité et de pureté que Shakespeare interroge. Il tiraille la forme jusqu'à la faire presque dérailler, sautant allègrement du drame à la farce à l'intérieur de la même scène, trouvant la juste mesure pour une comédie noire jubilatoire.
Coproduction MC93 Bobigny, Théâtre de Vidy-Lausanne, Chat Borgne Théâtre, Maison de la culture d'Amiens, Le Maillon-Théâtre de Strasbourg, La Comédie de Reims, La Comédie de Clermont-Ferrand. Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National Le Chat Borgne Théâtre, compagnie subventionnée par la DRAC Alsace.